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Les Amchis au Mustang

MEMOIRE DU SAVOIR :

Communautés Amchis - Royaume du Mustang (Pays de Lô de culture tibétaine)

Sauvegarder  la connaissance millénaire des médecins Amchis au Mustang
Rencontre parrainée par Roland Dozière Vice-Président de la Maison Culturelle du Népal à Paris – grand spécialiste du royaume du Mustang          
Pour en savoir plus, téléchargez la lettre d’information : amchis_lettre-dinformation-sur-lecole-au-mustang.pdf                                                      

La vie au Royaume Interdit

Lo Manthang à 21 km de la Chine, capitale du royaume interdit du Mustang. Les lobas nom des habitants répartis dans différents petits villages sont des disciples du boudhisme Tibétain tantrique et survivent isolés dans des zones de montagne en essayant de sauvegarder la culture tibétaine détruite par les chinois. La vie est  très rude. Toutes les maisons sont construites à base de torchis. Faute de végétation, ils utilisent les protéines animales comme la viande séchée du yak ou de mouton. La journée commence avec des prières, des flocons de sarrasin et du thé au beurre de yak mélangé avec la tsampa, farine d’orge grillée.

 La philosophie Amchi

Le médecin Amchi pense que la personne malade est d’abord en rupture d’harmonie avec son environnement et lui-même. D’après les principes de cette tradition vieille de 2 500 ans, l’état mental et les émotions affectent les organes, autant que le font la respiration, l’alimentation et le sommeil.

Les éléments terre, eau, feu, air, espace agissent sur le corps humain qui n’est pas séparé du reste du monde, mais en résonnance avec tout l’univers et ses lois.


 

La disparition des médecins Amchis

Aujourd’hui on ne compte plus que 3 à 4 Amchis pour l’ensemble du Royaume. L’enseignement Amchi se perd du fait de la localisation éloignée des lieux et du manque d’infrastructures. Tenzin Bista un des derniers Amchi souhaite bâtir une école pour perpétuer cet enseignement toute l’année et non pendant quatre mois comme actuellement. Cette école serait construite à Pokhara (Ouest du Népal) où l’hiver est moins rude et permettrait ainsi à 30 étudiants de suivre l’enseignement Amchi pendant 7 années afin de pouvoir exercer leur savoir dans cette région minérale où les hommes s’intègrent dans une nature hostile mais sublime. Dans ce petit royaume de sept mille habitants, oublié par le monde moderne et qui ne connaît quasiment à ce jour, ni la radio, ni la télévision, ni la voiture, ni la bicyclette, est un véritable diamant brut que seuls les Amchis peuvent sauvegarder… au milieu des pigments minéraux.

 Les plantes à la base de la vie

Une des bases de la formation des Amchis est de trouver, sécher et purifier les herbes (il en existe environ 2 200 espèces), mais aussi de les cultiver et de les sauvegarder. Chaque partie de la plante possède son action : les racines pour l’os, la tige pour la peau, les branches pour les canaux d’énergie, la feuille pour les organes internes, la fleur pour aiguiser les sens et le fruit pour influer sur le cœur et les organes internes.

  

 Pourquoi, c’est important de sauvegarder la médecine AMCHI ? 

En occident, les prescriptions sans discernement d’antibiotiques on entrainé une résistance accrue des bactéries. Bientôt 80 à 90 % des germes infectieux seront inattaquables. C’est pourquoi, les plantes prennent en occident une importance croissante pour les chimistes. Les Amchis connaissent les plantes. Ils peuvent nous apprendre beaucoup de choses concernant les thérapies par les plantes. Un savoir de 2 millénaires ne doit pas disparaitre…   

 

 
 Données Techniques du projetLe site sur lequel est envisagé la construction est de 5 472 feet (carré) sur lequel nous pouvons installer un bâtiment de 2 étages, une cour, un potager et un jardin de plantes médicinales.

Description Nombre de Pièces
Salle de classe 12 feet X 15 feet 3
Pension garçons et filles 15 feet X 15 feet 2
Bureau 15 feet X 15 feet 1
Toilettes 5 feet X 5 feet 6
Salle de laboratoire 15 feet X 12 feet 1
Cuisine et réfectoire 20 feet X 15 feet 1

 Données Financières du projet 

Description Taux Quantité Montant en roupies népalaises
Ciment, tiges et armatures 700 520 364 000
Tiges, armatures 120 5 200 624 000
Pierres 50 3 000 150 000
Cailloux     50 000
Encadrement en bois     150 000
Portes et fenêtres     200 000
Peinture     75 000
Main d’œuvre     200 000
Sable 60 2 500 150 000
Installation salles de bain et toilettes     200 000
Total en roupies népalaises     2 163 000
Total en euros*     24 000 €

*Cours actuel : 1 € = environ 90 roupies 
 

Entretien avec TENZING  BISTA Amchi du Roi du Mustang et un représentant de la Maison Culturelle du Népal (MCN)

  

Définition de l’Amchi : C’est un médecin, un guérisseur qui pratique une médecine qui est propre aux pays de civilisation tibétaine. Il s’inspire des traditions médicales indiennes ( médecine ayurvédique), chinoise (acupuncture) et iranienne (gréco-arabe). L’Amchi prescrit uniquement des remèdes naturels qu’il prépare lui-même en poudre, pilules et sirop ou encore en baumes, huiles et cendres qui s’appliquent alors aux traitements externes.

 MCN : Tashi Delek Tenzing, quel est votre rôle en tant qu’Amchi ?

- Bonjour Roland, je suis moine, médecin et enseignant. J’instruis aussi des jeunes hommes et jeunes filles qui veulent devenir Amchis à Lo Manthang actuellement  mais notre école est petite et nous avons beaucoup de mal à faire des cycles normaux de cours, à cause des conditions atmosphériques.

MCN : Quel est votre travail, quelles méthodes employez- vous pour diagnostiquer les maladies ?

- Pour détecter les maladies il y a l’examen du pouls, à travers lequel on détermine l’équilibre entre les énergies du corps et le fonctionnement des organes. Pour les bébés et les jeunes enfants, le diagnostic est déterminé par l’examen de l’oreille externe. Il y a aussi l’examen visuel, de la langue incluant aussi celui des urines. Et puis, j’interroge le malade.

S.B :Pratiquez vous une médecine traditionnelle à la française ?

- Notre médecine est basée sur la guérison par les plantes, les herbes, les écorces, les fruits et des minéraux trouvés dans l’himalaya. Les pilules contiennent généralement de nombreux ingrédients différents se complétant les uns les autres et qui ont été utilisés depuis des siècles de telle sorte qu’ils n’ont habituellement pas d’effets secondaires ce qui n’est pas le cas des médicaments de votre médecine. Notre système médical ne s’oppose pas à la médecine occidentale qu’il peut compléter ou suppléer comme c’est le cas aujourd’hui dans notre région reculée loin de la civilisation.

S.B :Faites vous de la prévention ?

- Nous faisons le maximum pour éduquer la population à bien se nourrir. Nous donnons des conseils alimentaires, à bien utiliser l’eau en la faisant bouillir par exemple, des conseils sur le comportement de tous les jours et l’hygiène.

MCN : Combien reste-t-il d’Amchis à Lo Manthang ?

- Il y en avait une centaine, maintenant il en reste seulement sept dans le bas et haut Mustang.

S.B : Combien d’années d’études faut il à un moine pour devenir Amchi ?

- Il est nécessaire de faire au minimum deux ans d’études et d’apprentissage aux côtés d’un Amchi expérimenté après cinq ans d’années d’études théoriques normalement.

MCN : Pourquoi y a-t-il une disparition des Amchis ?

- Les habitants du Mustang, les lobas désertent cette province népalaise où il est difficile de vivre à cause des conditions naturelles (Altitude, minérale) et des hivers très froids souvent pour se rendre dans les grande ville comme Pokhara ou la capitale Kathmandu. Il y a de moins en moins d’enfants, donc d’écoles et d’Amchis.

MCN : La route qui va se construire apportera des médicaments, amènera du monde qu’en sera-t-il de votre médecine ?

- Les villageois seront contents peut-être ? Mais pourront-ils payer la médecine occidentale ? La tradition peut être disparaîtra mais actuellement c’est la seule médecine sur place qui sauve des vies, elle est naturelle et provient des plantes qui sont souvent la base des médicaments traditionnels. Nous faisons tout pour la sauvegarder car nous pensons qu’elle sera toujours utile….

S.B : Votre médecine a-t-elle un lien avec la religion ?

- Elle est très liée au bouddhisme et nous agissons toujours selon ses principes éthiques. C’est mieux d’être lama, moine pour être Amchi, mais ce n’est pas obligatoire, actuellement certains de nos étudiants ne sont pas moine, ni lama.

B.H : Comment avez-vous appris cette médecine ?

- J’ai appris avec mon père qui était un grand Amchi, puis je suis allé me perfectionner au Tibet, au Bhoutan et en Inde. Mais le système médical tibétain remonte à plusieurs siècles. Le texte de référence de la médecine tibétaine, le Ghyü Shi qui fut retranscrit par Yuthok Yonten au XIIème siècle contient toutes les connaissances sur le sujet. Aussi appelé les quatre tantras (volumes), cet ouvrage est toujours utilisé par les étudiants en médecine. Toutes les informations relatives aux causes, aux symptômes et aux traitements des maladies sont décrites et abondamment illustrées dans ces volumes. A la différence de la médecine occidentale, le système médical tibétain se fonde sur les énergies principales qui régulent toutes les fonctions physiques du corps. Chez les personnes saines, ces énergies s’équilibrent entre elles ; en cas de déséquilibre, des problèmes médicaux et des maladies peuvent apparaître.

MCN : Arrivez- vous à préserver les plantes avec les désordres écologiques ?

- Nous faisons de notre mieux et nous arrivons à les préserver. Il existe 600 plantes médicinales. Trois cent sont trouvées au Népal, et les autres proviennent du Tibet ou de l’Inde.

SB : Quelles sont les principales pathologies rencontrées ?

- Nous en trouvons trois principales : la première est la gastro-entérite due au problème d’hygiène et de nourriture, la deuxième les rhumatismes dues au froid , à l’humidité dans les maisons, la troisième est la pneumonie due aux mêmes que pour les rhumatismes et de respirer les fumées dans les maisons…. Notre médecine est particulièrement efficace s’agissant des maladies chroniques.

SB :Pratiquez vous des opérations ?

- Nous pratiquions avant des opérations mais plus maintenant. Nous avions les moyens d’instruire pour opérer, mais tout se pratiquait au Tibet. Maintenant que la frontière est fermée par les Chinois, donc pour les opérations, il faut se rendre à Kathmandu, c’est du ressort de la médecine moderne… Le taux de mortalité est très important car peu de gens peuvent être amenés rapidement dans la capitale, sans parler du coût.

MCN : Si on construisait un hôpital à Lo Manthang,  pourriez vous pratiquer des opérations ?

- Il faudrait d’abord des écoles pour former les Amchis pour qu’ils deviennent chirurgiens et après oui, ils pourraient opérer dans un hôpital.

SB : Qui fait les accouchements ?

- Personne, car personne n’est formé pour le faire, les femmes accouchent chez elle, à l’aide d’autres femmes mais on peut aussi les aider.

SB : Y a-t-il une grosse mortalité infantile ?

- Oui, sur 10 accouchements, il y a 3 décès mais pas uniquement les enfants parfois aussi les mères

MCN : Les consultation sont- elles gratuites ?

- Depuis très longtemps, les villageois donnent ce qu’ils veulent ou ce qu’ils peuvent mais ce n’est pas une obligation, toutes les personnes que nous voyons sont examinées et soignées. Une consultation dure environ une demi-heure. Après la première consultation, il est recommandé à la plupart des patients de revenir deux à quatre mois plus tard, puis au bout de six mois. Ceci est également dû à l’effet des saisons sur le corps qui rend parfois nécessaire un ajustement du traitement. Il est déconseillé de prendre les mêmes pilules à base de plantes pendant plus de six mois sans avoir à nouveau consulté, à moins que cela n’ait été prescrit par l’Amchi.

S.B : Disposez vous de stéthoscopes, d’instruments de mesure ?

- Nous utilisons les stéthoscopes et thermomètres depuis six ans environ… Mais normalement, nous n’avons pas besoin de matériel médical autre que nos sens et notre connaissance.

MCN : Avez-vous besoin d’autres matériels ?

- Oui, de scanner par exemple pour diagnostiquer la pneumonie, mais il nous faudrait aussi l’électricité…Vous voyez ce n’est pas simple dans notre contrée. Notre désir est de préserver la médecine par les plantes, mais aussi d’instruire les futurs Amchis à la médecine moderne. Encore faut-il avoir les médicaments adéquates ? Avec les plantes, nous n’avons pas le problème d’approvisionnement et de coût.

S.B : Avez-vous des cas de mal voyance ?

- Oui il y en a, et nous avons été formés à ce sujet à l’hôpital de Pokhara.

MCN : Avez-vous à Lo Manthang le matériel pour soigner les mal voyants ?

- Malheureusement, nous n’avons pas le matériel adéquate

MCN : Allez- vous faire des conférences sur cette pratique de la médecine dans d’autres pays ?

- Oui, je suis invité parfois pour faire des conférences d’ailleurs je viens de rentrer d’Angleterre et je suis allé au Japon, en Allemagne.

MCN : Accepteriez -vous de former des médecins étrangers à votre médecine ?

- Ce n’est pas un problème, si ce n’est la langue car nous parlons tibétain ou népali. Donc il suffit simplement d’avoir un traducteur.

B.H : Est ce qu’une femme médecin pourrait-être formée ?

- Il n’y a aucun soucis et aucune barrière à ce niveau.

B.H : Connaissez vous le cancer et le sida ?

- Nous connaissons ces maladies mais aucun cas de sida n’a été diagnostiqué